En salle ! L'ADEME et la Ville de Périgueux sur le devant de la scène
Le reste de la matinée s’est déroulé au théâtre de l’odyssée de Périgueux. Il a d’entrée été rythmé par l’intervention de Jérôme Danscoine, Directeur Régional Délégué de l’ADEME, sur les différents scénarios possibles pour que les collectivités parviennent à une neutralité carbone à moyen terme. Puis une table ronde a permis de revenir sur l’histoire du réseau de chaleur des 2 rives, que ce soit du point de vue de la collectivité comme celui de l’exploitant. La matinée s’est terminée par un exercice d’intelligence collective lors duquel les collectivités ont pu débattre entre elles de leurs projets et des leviers pouvant permettre une accélération de la transition énergétique des territoires.
L’ADEME, acteur incontournable de la transition énergétique
Pour comprendre la genèse et les enjeux de la décarbonation, Jérôme Dancoisne, directeur régional délégué en charge de la transition énergétique de l’ADEME, a été invité comme grand témoin. Par sa fonction et son expérience, il a exposé un point de vue privilégié sur les leviers pour accélérer la décarbonation des collectivités. Il a attiré l’attention sur la question de la chaleur, qui, moins connue du grand public que l’énergie, présente pourtant de véritables enjeux. Il a également présenté les différents scénarios envisagés pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, c’est-à-dire capter autant de CO₂ que ce qu’on l’on produit. Cette neutralité passera forcément par une diminution des consommations et la croissance de la part des énergies renouvelables, pour qu’elle atteigne au minimum 70%.
Plusieurs chemins et leviers sont possibles, conjuguant les notions de sobriété, d’efficacité, de gouvernance et d’impact environnemental. Cet état des lieux et les solutions envisagées sont proposés et consultables sur le site de l’ADEME, qui abrite également une large bibliographie sur le sujet. Jérôme Dancoisne a mis en évidence l’importance de préserver le vivant, en prenant l’exemple de la forêt car elle présente le double intérêt de décarboner naturellement l’atmosphère mais aussi de produire une source d’énergie renouvelable et non limitée. Un autre point déterminant a été soulevé concernant l’évaluation du parc immobilier, sur lequel l’ADEME apporte un soutien financier de 70 à 90%, et pour lequel il est encore temps de déposer des demandes. En effet, avant de s’orienter vers une solution ou une autre, les collectivités doivent être en mesure de dresser un état des lieux de leurs besoins, ainsi que de leurs capacités à les maitriser grâce à la rénovation bâtimentaire.
Périgueux, un exemple vert et vertueux
Afin de mieux comprendre l’ensemble du processus qui a conduit la ville à mettre en place un réseau de chaleur avec un taux d’énergie renouvelable de 87%, les acteurs ont pu présenter les étapes de réalisation et surtout leurs retours d’expérience. ENGIE Solutions a conçu, réalisé et exploite le réseau de chaleur de la ville de Périgueux ainsi que la chaufferie dans le cadre d’une Délégation de Service Public (DSP) selon les choix arbitrés par la ville, accompagnée par le cabinet de conseil Kairos Ingénierie. C’est là que l’intelligence collective se développe. Comme le rappelle Thierry Pouponnot, directeur commercial Atlantique Limousin chez ENGIE Solutions, il y a eu ajustements et améliorations entre l’appel à projets et le réseau finalement déployé, par exemple certains foyers de particuliers ont été intégrés au réseau de chaleur.
« Les réseaux de chaleur, c’est foncièrement des projets de longue haleine, il faut penser à 20 ans, et même après ! Un réseau peut être opérationnel au moins 30 ou 40 ans mais les besoins eux évoluent. »
Nibal El Alam, co-fondatrice du cabinet de conseil Kairos, a détaillé combien l’étude de faisabilité guide et conditionne une bonne réalisation du projet. Le point de départ, c’est une approche fine de ses besoins, anticiper leur évolution à terme. Côté technique, il convient d’analyser les caractéristiques du territoire, de son étendue, afin de veiller à ne pas surdimensionner le réseau de chaleur, et viser le meilleur taux de couverture. C’est important d’être ambitieux pour aussi avoir un peu de ressources en réserve, il y a une vraie stratégie à penser, prospective, pour se ménager une marge de manœuvre.
C’est un projet de longue haleine (la ville de Périgueux développe les énergies renouvelables depuis plus de 15 ans) qui découle de la prise de conscience écologique. Hélène REYS, adjointe à la transition énergétique, souligne l’accompagnement et le soutien reçus depuis le début de ce projet, « on a été rassurés et bien épaulés ». Malgré l’habitude de gestion en régie, la DSP s’est révélée être le meilleur choix car il libère la municipalité d’une partie du risque financier et des ajustements des premiers mois. Quelle que soit la forme de gestion choisie, les économies sont là, 200 000 euros par an dès la mise en route, et pour 2022 et le contexte que l’on connaît, c’est plus de 700 000 euros non dépensés et surtout 3 300 tonnes de CO₂ épargnées.
Pour Joaquim Filipe, directeur des services techniques de la ville de Périgueux, il s’agit bien plus d’associer que de confronter les technologies.
On retrouve cette agilité dans la capacité des équipes de la mairie à déjouer les imprévus. Effectivement, Périgueux c’est aussi 2000 ans d’histoire, et des découvertes archéologiques régulières qui se sont invitées lors des travaux du réseau de chaleur. Plutôt que de se laisser freiner par cette contrainte, les calendriers ont été pensés de manière à pouvoir intervertir les chantiers pour laisser aux archéologues le temps d’explorer, nourrissant ainsi le musée municipal Vesunna.
En plus de la prise de conscience climatique, la souveraineté énergétique locale est vite apparue comme un enjeu capital. Au-delà de l’aspect économique dans un contexte de flambée du prix des énergies fossiles, le bois qui nourrit le réseau de chaleur est produit localement à moins de 80km. La forêt devient un ressort incontournable de la transition énergétique en absorbant à la fois le carbone et en produisant le bois nécessaire.