Game of industries

Sobriété, économie circulaire, énergie décarbonée en Auvergne-Rhône-Alpes

Conscient de ces enjeux, l’État actionne plusieurs leviers pour accompagner les industriels dans leurs stratégies de décarbonation, à travers les plans France Relance et France 2030 que pilotent les Directions Régionales de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DREETS), qui représentent le ministère de l’Économie à l’échelle régionale, et Bpifrance. « Les 50 sites industriels les plus gros émetteurs de France sont suivis de près pour l’élaboration de leur feuille de route de décarbonation, dont 5 se situent en Auvergne-Rhône-Alpes, dans les filières du ciment, de la chimie et du verre », explique Guillaume Weber, chef de projet décarbonation de l’industrie à la DREETS.

« L’industrie est le secteur d’activité qui a le plus décarboné sa production entre 1990 et 2010 », rappelle-t-il. Mais en 2024, il s’agit à présent d’aller beaucoup plus loin à travers une chaîne d’actions qui commence par la sobriété, puis la modification des intrants de matières premières en jouant la carte de l’économie circulaire, jusqu’à l’amélioration de la performance énergétique des usines et des bâtiments et la substitution des énergies carbonées par des énergies renouvelables. En bout de chaîne seulement, il s’agira de capter et de stocker sous terre le CO₂ des émissions résiduelles incompressibles.

Ainsi, le GIE Osiris entrevoit sa décarbonation par un changement de source d’énergie. Pour sa part, Canson se prépare à acquérir une chaudière biomasse et négocie simultanément des contrats annuels pour se prémunir des prochaines fluctuations de prix.

Des partenariats locaux dans les bassins d’emploi

Mais une autre piste, plus locale, est aussi mise en avant : celle des coopérations entre les acteurs d’un territoire. Thierry Kovacs, vice-président du Conseil régional AuRA et Maire de Vienne, explique être intervenu en tant que président de la communauté d’agglomération pour récupérer la chaleur fatale des usines Yoplait. Ce partenariat permet aujourd’hui de chauffer 750 logements du bailleur social Advivo.

« Nous vivons une révolution que certains comparent à la révolution industrielle, nous basculons dans un monde où revient en force l’économie locale et la logique des bassins d’emploi locaux », résume Nicolas Dumas.

Mais, dans une économie encore très mondialisée, « nous ne gagnerons pas face aux concurrents chinois aux conditions actuelles : nous avons besoin des pouvoirs publics pour mettre en place une régulation à l’entrée de nos marchés. Et nous ne gagnerons pas seuls : nous avons besoin de construire entre nous des partenariats locaux à l’échelle de nos bassins économiques », conclut-il.

Paroles de participants

"Nous l’avons vu l’été dernier, qu’il s’agisse de l'électricité ou de l’eau, les énergies telles que nous les avons connues ne sont pas des acquis. Avec le plan sobriété du gouvernement, nous avons tous dû regarder ce que nous consommons. Nous avons joué le jeu et cela a permis de faire beaucoup de sensibilisation en entreprise, avec un engagement fort des collaborateurs."

"En termes de sobriété, nous avons écouté beaucoup de retours d'expérience : mutualiser, passer en revue des programmes de fonctionnement, ajuster des plages horaires pour sécher ses produits comme le fait Aoste, démarrer plus tard ses process industriels, réfléchir à des changements de technologie, passer son éclairage en LED, mettre en place des systèmes de détection, ou encore instaurer des plans de comptage sur les bâtiments pour identifier ceux qui consomment le plus."

"Les process industriels sont dépendants des énergies qu’ils consomment et représentent une forte part du coût de revient dans le produit fini. Cela place les industriels face à l’enjeu de la volatilité des prix, mais aussi de la fiabilité des procédés qui sont souvent continus : ils ont besoin d'approvisionnement énergétique en continu. La mixité énergétique doit permettre de répondre à ces deux problématiques."

"Les industriels se projettent sur le photovoltaïque, mais ils se posent des questions car la technologie commence à dater. Ils se demandent s’il faut investir maintenant, si c’est le bon moment de se projeter et de sauter le pas, ou s’il ne faut pas attendre encore un peu."

"Certains industriels sont très au fait de la valorisation de la chaleur fatale et ont déjà mis en œuvre de la récupération. Mais si l’on raisonne en termes de gisement et de puits de chaleur, c’est-à-dire de localisation de cette chaleur fatale, on voit que des contraintes peuvent empêcher de la valoriser directement sur site, notamment pour des raisons de surface disponible. Changer d'échelle et regarder autour du site devient alors intéressant. C’est souvent une tierce partie qui va s’y employer, car les industriels peuvent difficilement prendre le temps de cette analyse."

"Si l’on est seul, l’opérateur de réseau couvre le risque et prend sa marge, mais un collectif d’acteurs est plus intéressant. La mutualisation d’un mix énergétique permet de partager les risques, mais aussi de partager les opportunités quand on comprend les profils de consommation énergétique de chacun des acteurs. Cela pose la question de savoir avec qui je vais coopérer."

"L’un des freins à la mutualisation énergétique, c’est la peur de se lier à son voisin. C’est l'exemple du GIE : il est plus facile de discuter quand il y a un tiers, que quand deux industriels se lient en direct - ou un industriel et une collectivité. Cette notion de tiers dans l’aménagement d’une zone d’activité peut faciliter le développement de synergies."

"Chaque territoire a des typologies différentes de besoins et de ressources, donc des projets différents de mix énergétique. Les collectivités locales sont clés dans la réflexion, car elles ont des attentes et des contraintes au regard du déploiement de leur schéma directeur d'énergie. Même si elles ne peuvent pas financer tous les projets, les impliquer permet de donner une impulsion forte pour réunir les acteurs autour de la table. Les pôles de compétitivité servent eux aussi à rassembler les acteurs privés et publics pour favoriser ce type de projets."

"Choisir une solution qui permet de gagner en autonomie énergétique, c’est trouver l’adéquation entre l’environnement direct, le fonctionnement du site industriel et le choix technique qui répond le mieux à l’activité du site."